Dix-huit mois avec sursis pour le gérant du magasin de motos de Saint-Julien-sur-Sarthe qui avait tiré sur ses cambrioleurs en 2013. Ces derniers écopent de deux ans de prison ferme.
La nuit du 24juin 2013, Pascal Rauber est réveillé à 3h du matin par l’alarme de son magasin de motos, à Saint-Julien-sur-Sarthe, près du Mêle. Il prend son fusil, monte dans sa voiture et se rend sur place. Là, dans l’obscurité, il se retrouve face à un véhicule qui fait une rapide marche arrière et qui passe en trombe devant lui, en forçant le passage.
Il tire plusieurs cartouches. À trois reprises, dira l’expertise balistique en examinant les impacts sur la voiture. Lui affirme qu’il n’a tiré que deux fois. « Je voulais viser les pneus mais la voiture me fonçait dessus, j’ai été déséquilibré en arrière en tirant. Je ne pensais d’ailleurs même pas avoir touché quoi que ce soit », a-t-il redit hier au le tribunal d’Alençon, devant une salle remplie par son comité de soutien (lire en page Alençon).
Son tir a pourtant fait mouche, criblant de plombs deux des trois malfrats en fuite. Les deux blessés se font cueillir vers 6h du matin, alors qu‘ils se font soigner à l‘hôpital de la ville de Dreux, où ils habitent. Cyril Legeai est assez gravement touché au cuir chevelu, tandis que Hadama Samassa l’est plus légèrement au thorax.
Tous accusés et victimes
Les deux hommes de 23ans ont déjà effectué sept et huit mois de détention provisoire. Même si plusieurs éléments (vidéo de l’hôpital, téléphonie) laissent préjuger de sa culpabilité, le troisième homme nie les faits et ne s’est pas présenté devant les juges.
Mais la particularité du procès tenait au fait que tout le monde se retrouvait à la fois sur le banc des accusés et sur celui des victimes! Les cambrioleurs, mais également le commerçant.
Le point central était d’ailleurs de savoir si Pascal Rauber, 53ans, était en état de légitime défense. « Pour les voleurs, se faire tirer dessus fait partie des risques du métier ? commence la vice-procureur. Eh bien non ! On ne parle pas de morale ici, mais de droit. Et si la légitime défense est admise, c’est sous conditions, en utilisant des moyens proportionnés. »
Le parquet souligne qu’il n’est pas établi que le commerçant était en danger quand il a tiré, « il est même allé au-devant du danger en se rendant sur place sans avoir averti les gendarmes ! Et il mentira par omission en oubliant d’indiquer aux gendarmes qu’il a tiré sur les cambrioleurs ».
« Ce n’est pas le Far West »
La vice-procureur « entend le sentiment d’injustice et de désespoir » du commerçant, mais souligne que « nous vivons dans un état de droit on ne peut pas se faire justice soi-même, sinon c’est le Far West ». Le parquet réclame deuxans de prison dont un avec sursis contre le gérant. Et, contre les cambrioleurs, deux à troisans de prison.
Pour l’avocat de la défense, Olaf Le Pasteur, « il ne faut pas inverser les rôles. Mon client n’est pas allé sur place par plaisir ! L’état de droit est garanti s’il établit la sécurité des personnes et des biens. Que ce soit 53, 28 ou même 17 cambriolages, à partir de combien de cambriolages peut-on se défendre ? » L’avocat caennais ne « pointe pas les gendarmes mais leur organisation : ils sont arrivés près de 45 minutes après avoir été prévenus… » Il plaide la relaxe et demande 20000€ de dommages pour son client.
Le tribunal a condamné Cyril Legeai et Hadama Samassa à deux ans de prison ferme, et leur complice à un an de prison. Ils doivent également verser à leur victime 5000€ de dommages pour préjudice moral, 2 982 € de préjudice matériel et 2 180 € de frais divers.
Pascal Rauber a été condamné à 18 mois de prison avec sursis, son fusil est confisqué et il lui est interdit de posséder une arme pendant cinq ans.
Source : Ouest-France.